Le 24 janvier 2020, des ordonnances sur requêtes à fins d’expulsions, écrites uniquement en français, ont une nouvelle fois été affichées dans la zone industrielle des Dunes à Calais.
Cinq jours après l’affichage des ordonnances, et pour la cinquième fois depuis le 22 septembre 2019, une opération policière d’envergure a eu lieu pour évacuer une partie de la zone dès six heures du matin où survivent des centaines de personnes dans des campements insalubres. Seulement un lieu visé par l’une des ordonnances a été évacué, celui de la « station Shell », ce qui laisse supposer qu’une nouvelle évacuation du « bois Hedde », visé par la seconde ordonnance, aura lieu prochainement.
Aucun document n’a été communiqué aux exilé.e.s en amont de l’opération pour les informer dans une langue qu’ils comprennent de la date de l’opération, des lieux des centres d’accueil, et de leur accessibilité en termes de transports. Il s’agit pourtant d’une condition légale au regard de la Charte de fonctionnement des Centres d’Accueil et d’Orientation (CAO).
Vingt et un véhicules des forces de l’ordre ont été mobilisés et l’opération s’est passée « dans le calme ». Seulement cinq autocars ont été affrétés par les services préfectoraux pour « prendre en charge » cent cinquante personnes, laissant une quarantaine de personnes sans solutions, tout en sachant que tous les biens de premières nécessités ont été confisqués par les forces de l’ordre.
Cette opération, en violation des droits fondamentaux, coûteuse en termes de fonds publics, sera sans surprise inefficace. Elle ne fera que contribuer à perpétuer ce cycle insensé.
Présentant ces opérations comme des "mises à l'abri", l'action du gouvernement s'inscrit en réalité dans une logique sécuritaire, court-termiste et dégradante pour les personnes concernées.
Coincées dans un périmètre, escortées vers des autocars dont elles ne connaissent pas la destination et parfois menacées d’être placées en rétention lorsqu’elles ne veulent pas être envoyées vers l’inconnu, leur consentement est bafoué.
Il est évident que personne ne peut se satisfaire de la présence de campements insalubres dans lesquels ces personnes vivent, mais il est important de rappeler que les autorités publiques sont responsables de l’existence de ces lieux insalubres, et non leurs résidents. Si ces campements se constituent, c’est en raison des politiques de non accueil européennes et françaises. Elles visent uniquement à les soustraire au regard de la population en les forçant à se terrer dans des zones périphériques, alors qu’ils cherchent simplement refuge sur notre territoire.
Le Conseil Constitutionnel a consacré il y a vingt-cinq ans déjà comme objectif à valeur constitutionnel la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent. Si cette exigence était respectée, aucune expulsion ne serait nécessaire. Au lieu de prendre le problème à la racine, de s’attaquer à la précarité de l’habitat à Calais en recourant à des solutions dignes et durables, le choix est fait de leur tourner le dos. C’est cette politique gravement discriminatoire que nous dénonçons.
Nous demandons la régularisation de toutes les personnes sans-papiers présentes sur le territoire français, et l’ouverture de voies sûres et légales de circulation pour tou.te.s. Nous dénonçons les accords du Touquet, les failles du règlement Dublin III, qui entravent la liberté de circulation des personnes exilées.
Organisations signataires
Human Rights Observers
L'Auberge des Migrants
Utopia56
