Depuis 2018, la lutte dite contre les "points de fixation" est menée à Calais. Cette politique vise à éviter que des personnes vivent dans des campements informels sur la côte du nord de la France, à les contraindre à être éloignées de la frontière. En plus de l'affaiblissement physique et psychologique causé par les expulsions quotidiennes, de nombreux biens de personnes exilées sont saisis et défigurés, voire détruits. Human Rights Observers (HRO) a documenté la saisie de près de 5 800 tentes et bâches lors des opérations expulsion qui ont eu lieu en 2021. En décembre 2021, 199 abris ont été volés, toujours sans solution d'hébergement concomitante et malgré des conditions climatiques de plus en plus difficiles.
Lors de la réunion en sous-préfecture le 7 janvier 2022 à Calais, les autorités ont évoqué la mise en place d'un nouveau protocole de récupération des biens de personnes exilées, saisis lors des expulsions. Le protocole " Ressourcerie " serait entré en vigueur le lundi 10 janvier rue des Huttes, au lieu-dit le " Chapiteau ". Un protocole similaire avait déjà été mis en place en 2018. Il prévoyait que chaque personne souhaitant récupérer son bien devait s'adresser à l'une des associations habilitées qui, à ses frais, pouvait accompagner le personnes exilées dans cette démarche. Depuis septembre 2021, HRO n'accompagne plus les personnes expulsées à la Ressourcerie en raison d'un nombre incalculable de dysfonctionnements de ce système de " récupération ", refusant d'en être complice. Nous dénonçons le fait que le nouveau protocole " Chapiteau " reste contraire aux lois et codes de procédure en vigueur, ce qui est une conséquence directe de l'illégalité des expulsions.
En effet, l'ancien protocole, comme le nouveau, n'est qu'une tentative de légitimer le vol systématique des biens de personnes exiléeslors des opérations expulsion . Les autorités mènent des opérations dont la base légale n'est pas claire et n'est pas communiquée aux victimes de ces opérations. Selon les autorités, les expulsions quotidiennes menées à Calais visent à mettre fin à l'occupation illégale de terrains sur la base de l'enquête de flagrant délit. L'expulsion d'un terrain ne fait pas partie des actes d'enquête autorisés dans le cadre de l'enquête de flagrance et nécessite une décision de justice. En réalité, ces expulsions n'ont pour but que d'empêcher les personnes de vivre dignement et, en aucun cas, la restitution des affaires ne constitue une relaxe.
Selon le protocole " Chapiteau ", les affaires des personnes expulsées seraient triées, classées, mais pas lavées. Lors des expulsions, HRO observe la détérioration des affaires saisies, traînées dans la boue. Les mâts des tentes sont parfois brisés afin d'entasser encore plus de biens dans le camion de nettoyage de la société APC mandatée par l'État et agissant sous les ordres de la police lors des opérations sur expulsion .
Selon les autorités, les biens personnels saisis lors des expulsions depuis octobre 2021 ont été entreposés. Elles supposent également que les tentes saisies avant octobre ont été jetées et donc détruites. Selon l'article 311-4 du Code pénal, la destruction du bien d'autrui est un délit. Par ailleurs, d'octobre à décembre, HRO a observé la saisie de centaines de tentes, parfois remplies d'effets personnels et d'objets de valeur (téléphones portables, argent, etc.). Les propriétaires n'ont jamais été informés d'une éventuelle récupération de leurs biens personnels. Pourtant, la loi prévoit que si des biens ont été abandonnés lors d'un expulsion, un inventaire doit être établi avec mention du propriétaire, du lieu et des conditions d'accès au local de stockage où la personne expulsée peut aller les récupérer dans un délai de deux mois.
En définitive, non seulement ce système est connu par une très petite minorité des personnes expulsées, mais il est aussi plus difficile d'accès pour de nombreuses personnes qui, au-delà de la distance, craignent d'être arrêtées par la police sur le trajet. Surtout si l'on considère le contexte global des opérations expulsion au cours desquelles leurs affaires sont saisies, c'est-à-dire la dégradation de ces dernières par l'équipe de nettoyage qui accompagne la police, et le fait d'être souvent dissuadé de pénétrer sur le lieu de vie pour récupérer quoi que ce soit.
Le caractère cynique de ce processus, qui consiste à voler des objets tout en faisant croire qu'il existe un système pour les restituer, est renforcé par les plages horaires concomitantes aux expulsions (13h à 16h). Cette politique de harcèlement des personnes, illustrée par des expulsions quotidiennes, dure déjà depuis de trop nombreuses années. Elle constitue un traitement inhumain et dégradant et contribue à la précarisation des personnes. Nous rappelons nos revendications : l'arrêt des expulsions ainsi que la fin des saisies et destructions illégales des biens personnels.